Information légale
LANCEURS D’ALERTE
(dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux)
I. Dispositions légales
- La loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l’Union ou au droit national constatées au sein d’une entité juridique du secteur privé ;
- L’arrêté royal du 22 janvier 2023 portant désignation des autorités compétentes pour la mise en œuvre de la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l’Union ou au droit national constatées au sein d’une entité juridique du secteur privé.
II. Objet de la loi
La loi du 28 novembre 2022 précitée est la transposition en droit belge de la Directive européenne (EU) 2019/1937 du Parlement et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union en ce qui concerne les entités juridiques du secteur privé au regard des compétences fédérales (article 1er de la loi).
La loi établit des normes minimales communes pour la protection des personnes travaillant dans le secteur privé qui signalent des violations des dispositions légales applicables dans divers domaines, dont le domaine de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
L’arrêté royal du 22 janvier 2023 précité désigne les autorités compétentes pour recevoir et traiter les signalements, chacune dans son domaine de compétences.
III. Champ d’application matériel de la loi – Que signaler sous la protection de la loi ?
III.1.
La loi ne s’applique que pour les signalements de violations dans les domaines énumérés dans la loi, dont le domaine de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (articles 2 à 4 de la loi).
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de cassation a seulement compétence pour recevoir et traiter des signalements dans ce domaine de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
En outre, seuls les signalements relatifs aux cabinets des avocats à la Cour de cassation relèvent de la compétence du bâtonnier du barreau de cassation pour autant qu’ils concernent, ou puissent concerner, directement ou indirectement, un avocat à la Cour de cassation et non un avocat d’un autre barreau.
III.2.
La loi ne s’applique pas aux informations et renseignements couverts par le secret professionnel de l’avocat, ni aux informations couvertes par le secret médical. Elle n’est pas non plus applicable à l’information classifiée ou concernant la sécurité nationale, les procédures pénales et les délibérations judiciaires (article 5 de la loi).
La transmission de telles informations est passible de sanctions pénales.
III.3.
Le signalement dans le cadre de la loi sur les lanceurs d’alerte ne peut être confondu avec des plaintes contre des avocats dans le cadre du droit à la consommation ou de nature disciplinaire, relevant de la compétence générale du bâtonnier (voy. à cet égard Organisation barreau de cassation – Advocass).
IV. Champ d’application personnel de la loi – Qui peut signaler sous la protection de la loi ?
IV.1.
La loi susmentionnée s’applique aux personnes travaillant dans le secteur privé qui, sur la base d’informations obtenues dans un cadre professionnel, signalent des violations des dispositions légales (article 6 de la loi). Il peut s’agir d’un membre ou ancien membre du personnel, un collaborateur indépendant, un administrateur, un fournisseur, un sous-traitant, etc.
En ce qui concerne le signalement de violations dans le domaine des services, produits et marchés financiers et dans le domaine de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, l’information peut aussi être obtenue en dehors d’un contexte professionnel (article 6, §6 de la loi).
IV.2.
Sont protégés par la loi (article 6, §4 de la loi) :
- Les auteurs de signalements eux-mêmes. Ceux-ci sont appelés les lanceurs d’alertes ;
- Les tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalements et qui peuvent faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel (p.ex. des collègues ou des proches), pour autant qu’ils avaient des motifs fondés de croire que l’auteur du signalement tombait dans le champ d’application de protection de la loi ;
- Les facilitateurs, pour autant qu’ils avaient des motifs fondés de croire que l’auteur du signalement tombait dans le champ d’application de protection de la loi ;
- Les entités juridiques appartenant à l’auteur de signalement pour lesquelles celui-ci travaille ou avec lesquelles celui-ci est lié dans un cadre professionnel, pour autant qu’elles avaient des motifs fondés de croire que l’auteur du signalement tombait dans le champ d’application de protection de la loi.
V. Conditions de protection
Les auteurs de signalements bénéficient d’une protection pour autant (articles 8 et 9 de la loi) :
- qu’ils soient de bonne foi, c-à-d qu’ils aient eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et que ces informations entraient dans le champ d’application de la loi ; ce critère est apprécié au regard d’une personne placée dans une situation similaire et disposant de connaissances comparables.
- qu’ils aient fait un signalement interne ou externe recevable ou une divulgation publique aux conditions prévues par la loi (voy. ci-dessous).
L’auteur du signalement ne perd pas le bénéfice de la protection au seul motif que le signalement effectué de bonne foi s’est évéré inexact ou infondé.
Cela vaut également pour les personnes qui ont procédé à un signalement de manière anonyme, mais qui ont été identifiées par la suite et deviennent victimes de représailles.
VI. Mesures de protection
VI.1.
L’auteur qui signale des violations ou font une divulgation conformément à la loi n’est pas considéré comme ayant enfreint une restriction à la divulgation d’informations imposées par un contrat ou une disposition légale, réglementaire ou administrative et n’encourt aucune responsabilité concernant ce signalement ou cette divulgation (article 27, §1er de la loi).
L’auteur de signalements n’encourt aucune responsabilité en ce qui concerne l’obtention des informations signalées ou divulguées publiquement ou en ce qui concerne l’accès à ces informations, à condition que cette obtention ou cet accès ne constitue pas une infraction pénale autonome (article 27, §1er de la loi).
Aucune action civile, pénale ou disciplinaire ne peut être engagée, ni aucune sanction professionnelle infligée, en raison du signalement ou de la divulgation publique, faite de bonne foi et aux conditions prévues par la loi (article 27, §1er de la loi).
VI.2.
Est interdite toute forme de représailles, en ce compris des menaces et tentatives de représailles, contre l’auteur de signalement et les autres personnes protégées. La notion ‘représailles’ s’entend dans un sens large et vise, par exemple, le licenciement, la diminution de salaire, le refus de promotion, le traitement inégal ou injuste, le harcèlement, évaluation de travail négative, etc. (article 23 de la loi).
Toute personne protégée qui s’estime être victime ou menacée de représailles peut adresser une plainte motivée au coordinateur fédéral (le médiateur fédéral), qui engage une procédure extrajudiciaire de protection (article 26 de la loi). Un formulaire de plainte est disponible sur le site web du médiateur fédéral, via le lien : Protection contre les représailles | Federaalombudsman.be. Les coordonnés du médiateur fédéral sont les suivantes :
Médiateur fédéral – Centre Intégrité
Rue de Louvain 48 bte 6
1000 Bruxelles
www.federaalombudsman.be
tél : n° gratuit : 0800 999 61
contact@mediateurfederal.be
integrite@mediateurfederal.be
VI.3.
Seuls les auteurs de signalements (et tiers, facilitateurs et entités juridiques) qui sont de bonne foi bénéficient de la protection ; pas les personnes qui, volontairement, transmettent des informations fausses ou malhonnêtes (articles 8 et 9 de la loi).
VII. Mesures de soutien
Les lanceurs d’alerte qui s’estiment être victimes de représailles bénéficient de soutien, sous diverses formes, telles que (article 24 de la loi) :
- des informations et conseils indépendants, facilement accessibles et gratuits, sur la procédure de signalement et de protection contre les représailles ;
- un soutien technique, psychologique, médiatique et social ;
- une assistance juridique dans les procédures pénales ;
- une assistance financière dans le cadre de procédures judiciaires.
- L’Institut fédéral des droits humains se charge de fournir ce soutien (article 25 de la loi). De plus amples renseignements sont disponibles sur son site web, via le lien : Lanceurs d’alerte | FIRM-IFDH. Les coordonnées de l’Institut sont les suivantes :
Institut fédéral des droits humains (IFDH)
Rue de Louvain 48
1000 Bruxelles
www.federalinstitutehunmanrights.be
tél : 0479 88 57 40
kl-la@firm-ifdh.be
VIII. Modes de signalement – Comment et à qui signaler ?
VIII.1.
Le signalement peut être interne ou externe.
Les signalements internes s’opèrent auprès de la personne désignée des entités juridiques du secteur privé (les ‘entreprises’) conformément aux procédures et par les canaux arrêtés par celles-ci après consultation des partenaires sociaux (articles 10 à 12 de la loi).
VIII.2.
Les signalements externes s’opèrent auprès des autorités compétentes, par la voie indiquée sur leur site web (articles 13 à 16 de la loi).
Ces autorités sont désignées par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des Ministres. Parmi les autorités compétentes énumérées à l’article 1er de l’arrêté royal du 22 janvier 2023 figurent les bâtonniers des ordres des avocats des différents barreaux, chacun pour les entités juridiques qui les concernent.
Ainsi, le bâtonnier du barreau des avocats à la Cour de cassation est compétent pour recevoir des signalements relatifs aux cabinets des avocats à la Cour de cassation, pour autant qu’ils puissent concerner directement ou indirectement un avocat à la Cour de cassation et non un avocat d’un autre barreau, et pour autant qu’ils portent sur des violations dans le domaine de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Les signalements destinés au bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de cassation sont adressés à celui-ci :
- soit par e-mail, à l’adresse stafhouder@advocass.be; en tête du mail il est mentionné : « Confidentiel » ;
- soit par lettre postale, adressée à : Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de cassation, Palais de Justice, Place Poelaert 1, 1000 Bruxelles ; l’enveloppe porte la mention : « Confidentiel » ;
- soit par téléphone, au n° 02/608.67.46 (de 8h à 12h) (la conversation n’est pas enregistrée) ;
- soit par le biais d’une rencontre en personne, après prise de rendez-vous par téléphone au n° indiqué ci-dessus.
Le mail ou la lettre, rédigée en français ou en néerlandais, doit contenir les renseignements suivants :
- la mention « signalement lanceur d’alerte » ;
- l’identité du lanceur d’alerte et ses coordonnées (sauf s’il souhaite rester anonyme) ;
- sa fonction et son rapport avec la personne concernée par le signalement ;
- le nom de la personne concernée par le signalement ;
- les faits établissant la violation signalée ;
- la période de la violation signalée ;
- la nature de la violation (dans le domaine de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme) ;
- les éventuels éléments de preuve.
VIII.3.
Exceptionnellement, un signalement peut être fait publiquement ou dans les médias. Ce mode de signalement est soumis à des conditions très strictes (danger imminent, signalement interne ou externe restée sans mesure appropriée, etc.) (article 19 de la loi).
VIII.4.
Le signalement peut être anonyme (article 8, §2 de la loi). Dans ce cas toutefois, le risque existe que l’autorité compétente ne pourra pas vérifier si l’auteur du signalement rentre dans le champ d’application personnel de la loi (voy. ci-dessus), ni le tenir informé.
VIII.5.
L’autorité compétente qui reçoit un signalement ne relevant pas de sa compétence, transmet le signalement au coordinateur fédéral ou, éventuellement, à l’autorité compétente dans le domaine concerné par le signalement. Dans ce dernier cas, il en avertit le coördinateur fédéral et l’auteur du signalement (article 14, §3 de la loi).
IX. Traitement des signalements – Quel retour à attendre de l’autorité compétente (le bâtonnier) ?
Les signalements sont traités selon la procédure suivante.
L’autorité compétente (le bâtonnier) ouvre un dossier et accuse réception du signalement à son auteur (sauf s’il est anonyme) dans un délai de sept jours à compter de la réception du signalement. Le bâtonnier peut poser des questions supplémentaires à l’auteur (identifié) du signalement.
Plusieurs hypothèses peuvent se présenter :
1° Si l’autorité compétente (le bâtonnier) constate que le signalement ne tombe pas dans son domaine de compétence, elle transmet le signalement dans un délai raisonnable et de manière sécurisée au coordinateur fédéral ou à l’autorité compétente dans le domaine concerné (article 14, §3 de la loi).
Le bâtonnier s’assure d’abord que le signalement ne contient pas d’informations couverts par le secret professionnel de l’avocat à la Cour de cassation faisant l’objet du signalement.
2° Si l’autorité compétente constate que le signalement est irrecevable, elle communique sa décision au lanceur d’alerte dans un délai raisonnable.
3° L’autorité compétente peut décider, après avoir dûment examiné la question, que la violation signalée est manifestement d’importance mineure et ne requiert pas d’autre suivi que la clôture de la procédure. Elle notifie sa décision à l’auteur du signalement dans un délai raisonnable (article 14, §4 de la loi).
4° L’autorité compétente peut décider de clore les procédures en ce qui concerne les signalements répétitifs qui ne contiennent aucune nouvelle information significative sur des violations par rapport à un signalement antérieur. Elle notifie sa décision à l’auteur du signalement dans un délai raisonnable (article 14, §4 de la loi).
5° Dans les autres cas, l’autorité compétente (le bâtonnier) traite le signalement dans le respect des dispositions légales applicables (article 14, §2 de la loi).
Sans préjudice des dispositions de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, le bâtonnier n’a, en substance, pas d’autre pouvoir d’enquête qu’en matière disciplinaire. En fonction du résultat de son enquête, le bâtonnier peut imposer des mesures ou des sanctions disciplinaires ou, s’il y a lieu, informer les autorités judiciaires dans le respect des dispositions légales applicables.
Sauf lorsqu’une disposition légale l’en empêche, l’autorité compétente fournit à l’auteur de signalement un retour d’informations et lui communique le résultat final de son enquête dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois, ou six mois dans des cas dûment justifiés. Le bâtonnier ne peut faire un retour d’informations que si les mesures ou sanctions prises sont soumises à publicité (p.ex. certaines sanctions disciplinaires). Dans ce cas, il renverra le lanceur d’alerte à cette publication.
6° En cas d’afflux important de signalements, l’autorité compétente peut traiter en priorité les signalements de violations graves ou de violations de dispositions essentielles relevant du champ d’application de la loi (article 14, §4 de la loi).
X. Confidentialité
X.1.
Seule l’autorité compétente (le bâtonnier) et les personnes responsables désignées par elles pour recevoir les signalements et en assurer le suivi ont accès aux données personnelles du lanceur d’alerte et à son signalement.
Les signalements sont traités de manière strictement confidentielle par l’autorité compétente et les personnes responsables désignées par elles, le bâtonnier étant par ailleurs tenu par le secret professionnel. L’identité des lanceurs d’alerte, ni d’autres informations à partir de laquelle son identité peut être directement ou indirectement déduite ne sont dévoilées à personne. Il en va de même pour les tierces personnes, facilitateurs et entités juridiques à qui la protection de la loi s’étend (article 20, §1 de la loi).
Exception est faite lorsque le signalement ne tombe pas dans le domaine de compétence de l’autorité ayant reçu le signalement. Dans ce cas, cette dernière transmet le signalement, avec les données du lanceur d’alerte, au médiateur fédéral ou à l’autorité compétente dans le domaine concerné (article 14, §3 de la loi). Lorsque le bâtonnier transmet le dossier, il s’assurera d’abord que le signalement ne contient pas d’informations tombant sous le secret professionnel de l’avocat concerné.
Il peut également être dérogé au principe de la confidentialité dans l’hypothèse où l’autorité compétente est amenée à informer les autorités judiciaires (p.ex. dans le cadre d’une instruction pénale). Il ne dévoilera toutefois les données personnelles du lanceur d’alerte que si une obligation légale, nécessaire et proportionnelle, le lui impose, et ce, en principe, après avertissement du lanceur d’alerte (article 20, §§2 et 3 de la loi).
X.2.
L’autorité compétente tient un registre des signalements qu’il reçoit et de la suite qui y est donnée. Seule l’autorité compétente ou les personnes désignées par elle pour réceptionner et traiter les signalements y ont accès. Il en va de même pour les rapports établis à l’occasion d’une éventuelle conversation téléphonique ou une rencontre en personne entre le lanceur d’alerte et l’autorité compétente (article 22 de la loi).
XI. Protection des données à caractère personnel
Tout traitement de données à caractère personnel sur la base de la loi est effectué conformément à la législation sur la protection des données à caractère personnel (article 21 de la loi) (voy. à cet égard la déclaration de protection de la vie privée publiée sur le site web du barreau de cassation).
XII. Evaluation et rapportage
L’autorité compétente évalue régulièrement, et au moins une fois tous les trois ans, la procédure de réception et de traitement des signalements (article 17, §1 de la loi).
Il fait annuellement rapport au coordinateur fédéral en lui transmettant des données statistiques, dont le nombre de signalements reçus, le nombre d’enquêtes ouvertes et de procédures engagées à la suite de signalements (article 17, §2 de la loi).